À priori, lorsque l’on entreprend la lecture d’un de ces trois livres, c’est que l’on s’est déjà posé des questions sur sa consommation de viande. Faut-il continuer à en manger, quels sont les risques, quelles seront les conséquences d’ici quelques années sur l’environnement et sur notre santé, dans quelles conditions les animaux qui nous servent de repas sont-ils transformés en tranches de jambon ou en steaks ? Autant de questionnements qui se sont soudainement activés dans ma tête depuis quelques mois. Suite à des ennuis de santé, je me suis d’abord interrogée sur le côté malsain de la nourriture sortie des abattoirs (connue pour être bourrée d’antibiotiques en tous genres). Puis de fil en aiguille, en me renseignant sur le sujet, j’ai découvert des tas de choses difficilement imaginables (à tel point que j’en suis encore à me demander qui sont les personnes capables de travailler dans des élevages industriels : comment peut-on garder la raison au milieu de toutes ces atrocités faites à des centaines d’êtres vivants et sensibles chaque jour ?). J’ai doucement et naturellement dérivé vers l’envie de cesser totalement ma consommation de viande issue de l’élevage industriel et c’est aujourd’hui sans même y penser que je ne parcours plus certains rayons au supermarché. Pour moi qui adore notamment le steak tartare, la bavette à l’échalote et le saucisson, j’ai d’abord pensé que ça serait un challenge de ne plus consommer de viande régulièrement. Mais finalement, je ne ressens aucun manque et si certains produits carnés me faisaient encore envie il y a peu, ces désirs alimentaires tendent à disparaître de plus en plus au profit d’une alimentation majoritairement végétarienne et raisonnée (en dehors des pièces de viande traçables, issues d’élevages traditionnels où les animaux ne sont pas maltraités – mais ces derniers se font rares, je me contente donc surtout de ne pas manger de viande pour éviter toute déconvenue). Ce cheminement s’est fait en trois étapes, suite aux trois volumes cités plus bas, et dans l’ordre de mes lectures.
« Faut-il manger les animaux ?« , Jonathan Safran Foer
Quatrième de couverture : « Comment traitons-nous les animaux que nous mangeons? Convoquant souvenirs d’enfance, données statistiques et arguments philosophiques, Jonathan Safran Foer interroge les croyances, les mythes familiaux et les traditions nationales avant de se lancer lui-même dans une vaste enquête. Entre une expédition clandestine dans un abattoir, une recherche sur les dangers du lisier de porc et la visite d’une ferme où l’on élève les dindes en pleine nature, J.S. Foer explore tous les degrés de l’abomination contemporaine et se penche sur les derniers vestiges d’une civilisation qui respectait encore l’animal. Choquant, drôle, inattendu, ce livre d’un des jeunes écrivains américains les plus doués de sa génération a déjà suscité passions et polémiques aux Etats-Unis et en Europe. »
Depuis sa sortie il y a trois ans, ce livre thèse n’a cessé de faire du bruit. Plutôt addict aux réseaux sociaux, il ne se passe pas une semaine sans que je voie passer des messages du style : « J’ai lu le bouquin de Foer et c’est bon, j’arrête la viande ». Et pourtant, il ne s’agit pas d’un livre qui fait l’apologie du végétarisme ni qui juge ou condamne les carnivores. L’auteur lui-même se place comme un meat-lover ayant dégusté des dindes de Thanksgiving des années durant sans y voir le moindre problème. Mais il invite à réfléchir sur notre relation à la nourriture, sur son aspect culturel et social, et il nous met face à la réalité de l’industrie alimentaire, ou plutôt à ce qu’elle est devenue aujourd’hui (aux États-Unis, en l’occurrence). Personnellement, ce livre ne m’a pas décidée à arrêter la viande (comme je le disais plus haut, le processus s’est fait en plusieurs étapes dans ma tête, et travaille encore aujourd’hui), il est donc possible de le lire et de s’instruire sans craindre d’être dégoûté à vie des lardons. Le style est agréable et se lit facilement, les propos sont intelligents. Sont abordés les thèmes suivants : le questionnement philosophique sur notre rapport aux animaux (consommés ou non), le positionnement humain dans la chaîne alimentaire, l’évolution des techniques industrielles, les risques sanitaires, la nourriture vue du côté social, culturel et familial, l’histoire de l’élevage et les anecdotes personnelles de l’auteur. Foer ne se positionne pas comme un gourou du végétarisme ni comme un pro des solutions pour l’avenir (on reste un peu sur sa faim à ce niveau-là), mais son livre a le mérite de nous ouvrir les yeux et de faire réfléchir. À la fin de cette lecture, la première du genre pour moi, son effet sur ma conscience se résume à m’avoir rendue sensible à une consommation animale raisonnée et responsable.
« No steak« , Aymeric Caron
Quatrième de couverture : « Bientôt, nous ne mangerons plus de viande. Nous cesserons de tuer des êtres vivants – 60 milliards d’animaux chaque année – pour nous nourrir. En effet, en 2050, nous serons près de 10 milliards, et nos ressources en terres et en eau seront insuffisantes pour que le régime carné continue à progresser. Mais au-delà des raisons économiques et écologiques, la science tend à prouver que, contrairement à ce que nous avons longtemps cru, les animaux exploités sont des êtres sensibles, intelligents et sociaux. Dès lors, avons-nous encore le droit de les manger ? Pourquoi les chats et les chiens ont-ils un palace qui leur est dédié au Canada alors qu’en Chine ils peuvent finir au fond d’une casserole ? Pourquoi avons-nous choisi de consommer en priorité cochons, poulets et boeufs ? Comment ces animaux sont-ils produits ? Les végétariens vivent-ils plus longtemps que les carnivores ? Comment peut-on remplacer les protéines animales ? Aymeric Caron a mené l’enquête pour décrire, avec verve et humour, tous les aspects de notre étrange rapport à la viande. »
On monte d’un cran dans les questionnements et la remise en question. Si « Faut-il manger les animaux ? » m’avait animée d’une résolution nouvelle face à ma consommation de viande, ce n’était rien en comparaison de ce que m’a fait ce livre. Sorti en 2013 et écrit par Aymeric Caron, « No Steak » aborde le côté français de l’industrie de la viande (qui, contrairement à ce que je croyais, n’est guère plus reluisante que l’industrie de la viande américaine) : on se sent tout de suite deux fois plus concerné. Il ne s’agit plus de ce qui se passe « chez les autres » mais des procédés qui font atterrir des tonnes de viande par an directement dans nos assiettes de petits français adorateurs de charcuterie, de foie gras et viande bien saignante. Et ces procédés sont gerbants, disons-le. Ce livre regorge d’anecdotes, d’explications approfondies et d’arguments qui ne se contentent pas de gratter la surface du problème. Sont abordés les thèmes suivants : l’écologie, l’éthique animale, la santé, le respect des races dites « inférieurs à l’homme », le droit que l’on s’est octroyé d’assujettir d’autres animaux, la démesure des quotas de production de chair animale, l’aberration économique que représente l’industrie de la viande, la place du végétarien dans la société et le regard que l’on porte sur lui depuis 20 ans. L’auteur n’incrimine pas une seule fois les carnivores mais nous expose son propre cheminement, à grand renforts de réflexions personnelles et de grands noms de la littérature qui ont façonné la route de son végétarisme (Montaigne, Rousseau, Pythagore, Tolstoï, Victor Hugo, Kundera, etc). C’est un ouvrage argumentaire et passionnant qui ouvre les yeux sur bien des aspects du monde d’aujourd’hui qu’on ne s’attendait pas forcément à voir évoqués dans un tel livre. De plus, ce dernier a l’immense mérite de proposer des solutions ! À court ou long terme, plusieurs moyens de faire changer les choses sont expliqués et disséqués. Cela permet de terminer la lecture sur une note d’espoir pour l’avenir de l’humanité, et plus globalement, de toute la planète.
« Bidoche, l’industrie de la viande menace le monde« , Fabrice Nicolio
Quatrième de couverture : « Comment des animaux sont-ils devenus des morceaux, des choses, des marchandises ? Pourquoi des techniciens inventent-ils dans le plus grand secret des méthodes pour « fabriquer » de la « matière » à partir d’êtres vivants et sensibles ? Comment peut-on accepter la barbarie de l’élevage industriel ? Pourquoi laisse-t-on la consommation effrénée de ce produit plein d’antibiotiques et d’hormones menacer la santé humaine, détruire les forêts tropicales, aggraver la famine et la crise climatique ? L’industrie de la viande menace le monde, et personne ne semble s’en préoccuper. »
Véritable enquête journalistique, ce livre est, à mon sens, le plus éclairant des trois. Passées les descriptions difficiles du début, les informations contenues dans ce livre sont affolantes. C’est lui qui m’a finalement décidée à stopper totalement ma consommation de viande industrielle car je suis aujourd’hui incapable de manger une tranche de jambon sans penser au sombre avenir auquel je condamne notre planète par cette action. C’est fouillé, violent, percutant et largement soutenu par des dizaines d’études certifiées (toutes citées et référencées, trouvables sur internet ou en bibliothèque – j’ai vérifié). Il ne s’agit pas vraiment d’un livre qui prône le végétarisme, mais plutôt d’une étude de fond sur l’univers de l’élevage industriel qui recèle tout ce que l’on peut imaginer de plus affolant en terme d’avenir pour l’humanité, pour l’éco-système, pour la vie quelle qu’elle soit sur la Terre ainsi que pour l’état de notre planète d’ici 50 ans (oui, si tôt). Par ailleurs, quantités de domaines d’impact qu’on ne soupçonnerait pas sont relevés, ce qui est très instructif. Rédigé sur ton incisif parfaitement maîtrisé, on apprend beaucoup de choses qu’on a du mal à intégrer car c’est à la limite de ce que l’on peut concevoir. « Bidoche » relate une bien sombre réalité qu’on ne soupçonne pas mais que l’on cautionne en achetant des nuggets de poulet Père Dodu ou du jambon Herta (pour ne citer que ces deux marques). En ce qui me concerne, ces achats sont bel et bien terminés.
Bien sûr, ces trois livres étaient bourrés de référence à d’autres ouvrages et mes prochaines lectures seront les suivantes : « L’enquête Campbell » du professeur T. Colin Campbell (axé sur la santé versus la consommation de viande), « Nous sommes ce que nous mangeons » de Jane Goodall (pour des solutions immédiates) et « Contre la mentaphobie » de David Chauvet. Si vous êtes avides de découvertes dans le domaine, je liste sur Pinterest, en attendant de les lire, tous les ouvrages que je découvre et qui me semblent intéressants. N’hésitez pas à partager votre expérience dans les commentaires, je suis très curieuse de connaître votre avis sur ces différents livre ou sur le végétarisme en général !
* « Eating animals » est le titre de la version originale du livre « Faut-il manger les animaux ? » de Foer
13 Comments
J’ai pensé plus d’une fois à me procurer l’un d’eux afin de comprendre et de me tourner vers le végétarisme… Il faut que je songe sérieusement à prendre l’initiative de le faire!
Il faut, il faut ! Je sais bien que c’est rebutant au premier abord (j’ai mis peut-être 6 mois à oser me lancer dans « Faut-il manger les animaux ? », donc je ne te jette pas la pierre) mais c’est important de s’informer sur ce qu’on mange, vraiment.
il faudrait que je lise un de ces bouquins, cela finirait de me convaincre je pense ..de toutes facons, je ne cours pas trop après la viande,,
bise
Je pense qu’il n’est pas question de la viande dans son intégralité, mais de bien choisir ce que l’on consomme. Je n’ai personnellement aucun problème avec le fait de manger un animal s’il a été bien traité et heureux durant son élevage, et qu’on a su le « remercier » de nous nourrir après sa mort lors de son vivant. Mais ce n’est clairement pas ce qui se passe dans 95% du temps et pour éviter tout désagrément, je m’abstiens tout simplement de manger de la viande. Pas de problème de conscience, comme ça !
Merci pour cette revue! Ces 3 livres devraient faire partie des programmes de l’éducation nationale pour informer le plus grand nombre!
si l’on organisait des visites guidées d’abattoirs, les 3/4 des gens arrêteraient la viande je pense!
bises
Je suis bien d’accord. La majorité des gens qui consomment de la viande arrêteraient illico s’ils s’informaient sur les conditions de « vie » des animaux qu’ils mangent. C’est le déclic dont j’ai eu besoin, personnellement. Et tout ce que j’apprends depuis ne fait que confirmer cette décision.
[…] dans la lignée des changements qui se sont opérés dans ma consommation (notamment alimentaire, comme j’en parlais ici), j’ai commencé à regarder de plus près la composition des produits que j’appliquais […]
J’avais noté d’acheter Bidoche en lisant No Steak puisque Aymeric Caron y fait référence, je ne l’avais pas fait mais j’y cours de suite !
Sans être devenue totalement réfractaire à la viande (quand je suis invitée par exemple), je n’en achète plus et ça ne me prive pas – ça me dégoûte même de voir cet étalage de magret de canard, jambon… au supermarché.
Je ne suis pas contre une bonne côte de boeuf au barbecue quand je vais chez mes parents à la campagne où je sais que les vaches vivent au grand air, mais malgré tout, pourquoi ôter la vie juste pour un plaisir gustatif ???
As-tu, au sens propre du terme végétarien, arrêter également de consommer du poisson ? Moi, non.
Je te conseille le livre de recettes de Silvia Strozzi « Recettes végétariennes pour chaque jour » qui, en plus de fournir des recettes, donnent de bons conseils nutrionnels.
Si ça t’intéresse, en plus des livres cités en bas d’article, j’ai une longue liste de bouquins dans le même thème ! Pour le moment je fais une petite pause, histoire de lire des histoires plus joyeuses, mais je m’y remettrai bientôt.
J’avoue que je suis comme toi : lorsque je suis invitée quelque part, je consomme de la viande. Je pense que ça tient à deux choses : la première est que j’ai peur de déranger ! De passer pour l’invitée mal élevée qui refuse ce qu’on lui sert, ou qui impose aux autres de cuisiner deux plats différents (mais ça passera peut-être avec le temps). La seconde est que, quelque part, je considère que puisque je n’ai pas acheté moi-même cette viande, je n’ai pas contribué personnellement à enrichir cette industrie animale qui me fait horreur. Mais c’est un argument bien faible, j’en ai conscience ! Et plus le temps, plus la vue de la viande me dégoûte… Je suis donc en phrase de « transition », disons que je cherche mes marques. Mais plus d’achat carné au supermarché, et lorsque je mange de la viande au restaurant, c’est uniquement lorsqu’elle est estampillée « bio » (ce qui n’arrive quasiment jamais, tristement).
Quant au poisson, j’avoue que c’est beaucoup plus mitigé. Je ne mange « que » du saumon, et je limite ma consommation à une fois par mois (une sortie au restaurant japonais, en somme). Je n’en achète pas non plus, mais j’avoue que le manque est bien plus fort de ce côté-là que de celui de la viande. J’ai néanmoins pour but de m’en passer totalement, mais pour le moment c’est un peu trop radical pour moi. Ça va venir.
Merci pour l’idée du bouquin, je vais regarder ça de plus près ! 🙂
C’est tout à fait ça ! Je ne veux pas paraître pour la rabas-joie ou la fille qui pense faire mieux que les autres en mentionnant que je n’achète plus de viande quand je suis invitée. Et dans la mesure où ce n’est pas moi qu’il l’achète, je n’ai pas si mauvaise conscience.
Merci pour la liste de livres.
Bonjour Bobbie,
je découvre ton charmant blog et suis ravie de lire cet article.
J’ai lu J.S.Foer et le rapport Campbell mais pas encore Bidoche ni No steak (la célébrité d’Aymeric Caron dans le milieu vg me dépasse un peu ^^)… Déjà convaincue il est difficile de lire des horreurs envers lesquelles je fais mon possible pour ne plus y participer.
Juste pour te dire qu’avec une telle recherche de réflexivité sur le monde animal, l’écologie et la justice telle que tu sembles l’entreprendre, il y a des chances pour qu’un jour toute matière issue de la souffrance animal ne te donne tout bonnement plus envie.
Il faut respecter son rythme je crois.
Dix ans après avoir mangé mon dernier steak, je n’imagine même pas déranger les personnes chez lesquelles je vais avec mon éthique alimentaire, c’est trop en accord avec moi-même et il y a tant à découvrir culinairement. Souvent elles adorent découvrir mes plats vegans maison, ça peut être aussi simple et chaleureux que cela 😉
Bonne continuation,
Mary
Bonjour Mary,
Merci pour ta visite ainsi que pour ton commentaire. Je suis ravie d’avoir un retour aussi positif sur le côté « social » du fait d’être végétarien / vegan. La tendance n’étant pas très répandue autour de moi, je sens qu’on me regarde parfois d’un drôle d’air lorsque j’évoque ce changement dans mon alimentation (et donc, dans ma réflexion générale sur la vie). Ça me bloque peut-être bêtement pour le moment mais je suis également convaincue que c’est une question de rythme : lorsque je serai totalement installée dans mes nouvelles convictions, je n’aurai plus à rougir de ce nouveau mode de vie.
Très bonne journée à toi !
Bonjour,
Après un reportage de plus sur les conditions d’abattages des animaux, je me suis dit qu’il était grand temps de changer. C’est fait depuis mars.
Je ne peux pas dire que je suis devenue 100% végétarienne, j’aimerais conserver un semblant de vie sociale, comme tu l’as dit dans le commentaire précédent, trop souvent on est encore trop souvent regardé bizarrement quand on dit que l’on ne mange plus de viande. (Le commentaire précédent fait du bien au moral !)
Je pensais que la transition pourrait être délicate ( moi qui adorait la viande saignante et les sashimis…)et finalement je dois dire que le changement c’est fait tout seul, presque naturellement et que je ne le regrette absolument pas.
J’ai découvert et re-découvert un tas d’aliments, j’ai appris à manger autrement et même les petites fringales de 16h ont disparues.
Je consomme encore de la viande ou poisson dans les quelques cas où je ne peux vraiment pas faire autrement mais pour la grande majorité des repas, c’est du végétal.
Il y a tellement de possibilités pour se nourrir autrement et bien plus sainement qu’il serait dommage de ne pas essayer.
Si tu as l’occasion, procures-toi le livre Vegan de Marie Laforêt. C’est une mine de recettes toutes plus délicieuses les une que les autres !
Anne